INTERVIEW - Une stagiaire IPA dans une MSP : un stage de découverte pour tout le monde !

L'Equipe de Soins Primaires du Pôle Bercé Santé à Montval-sur-Loir, en Sarthe (72), a accueilli pour la première fois une stagiaire étudiante infirmière en pratique avancée (IPA). Lisa Jubeau, étudiante IPA et infirmière en psychiatrie au CESAME (CEntre de SAnté MEntale angevin) a effectué son stage au sein de cette Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP) sur deux périodes d'un mois, en décembre 2019 et mai-juin 2020. 

L'équipe s'est organisée pour accueillir la stagiaire dans les meilleures conditions, et celle-ci a été accompagnée par quatre référents au sein de l'équipe :

  • Estelle PARROT, coordinatrice de la MSP, lui consacrait la journée du lundi ;
  • Marie-Andrée (Madée) GHAZI, infirmière Asalée depuis 3 ans 1/2, le mardi ;
  • Stéphane BROSSAUD, médecin généraliste, installé depuis 2008, le mercredi ;
  • et Thomas VAN DAMME, lui aussi généraliste, qui a pris la suite d’un médecin parti en retraite en février 2019, le jeudi.

Pour l'APMSL, Lisa Jubeau revient sur son expérience, au travers d'une interview réalisée par Daniel COUTANT, médecin retraité et bénévole pour l'APMSL.
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L’Inspir’Café. Pour accéder à la formation d’IPA, il faut avoir exercé au minimum 3 ans et être un infirmier.

Lisa JUBEAU. Je suis infirmière au CESAME (CEntre de SAnté MEntale angevin), un Etablissement Public de Santé Mentale (EPSM) qui prend en charge une bonne partie de la population du Maine-et-Loire. J’ai travaillé 4 ans aux admissions des services d’hospitalisation psychiatrique et, depuis 6 ans, j’interviens dans un Centre Médico-Psychologique (CMP). Pendant 3 ans et demi, j’ai fait un mi-temps au CMP et un autre mi-temps à la maison d’arrêt d’Angers. Ce fut une expérience intéressante. Mon diplôme universitaire (DU) d’addictologie m’a été utile dans mon travail avec les détenus (animation de groupes de parole, suivi thérapeutique…) et j’ai appris à être autonome. Les week-ends, j’étais la seule soignante : je devais gérer les urgences, savoir appliquer les protocoles de soin, prendre des initiatives… y compris faire appel au service des urgences hospitalières.

L’Inspir’Café. Vous expliquez que vous n’aimez pas être seulement exécutante, que vous êtes à l’aise avec l’autonomie et la prise de décision. Est-ce que c’est ce qui vous a motivée pour devenir IPA ? 

L.J. Il y a un déficit médical en psychiatrie de manière générale. On se retrouve souvent seuls et on doit pouvoir pallier des manques dans son domaine de compétences. Je veux acquérir un savoir-faire, bien faire dans la qualité. On a à amener du soin somatique lors des prises en charge psychiatriques, alors que ce n’est pas la préoccupation des malades suivis. C’est difficile pour les malades, mais c’est difficile aussi pour les soignants : comment ne pas mettre les soins somatiques "de côté" ? Comment guider ? Comment le faire avec des équipes ?

L’Inspir’Café. Et là, vous trouvez la voie dans la formation d’IPA ?

L.J. Oui, on nous inculque la notion de leadership. Mais en sachant que nous ne faisons rien sans nous référer au médecin et que les initiatives prises s’inscrivent dans le protocole de soins qu’il aura souhaité mettre en place.

L’Inspir’Café. Avant d’en venir au stage que vous avez réalisé à la MSP, parlez-nous de la première année de la formation d’IPA dans les facultés de médecine d’Angers et de Tours.

L.J. La formation est intensive, mais très intéressante. Cette première promotion comporte 30 élèves, la moitié sont des infirmiers salariés, l’autre moitié en exercice libéral, et dans le groupe, il y a environ 10% d’infirmiers Asalée. On doit suivre l’enseignement 3 jours par mois en présentiel à la faculté de médecine à Angers ou à Tours et 2 journées par semaine en e-learning. Il y a un contrôle continu. Au premier semestre, il faut passer un  partiel en pharmacologie, une évaluation en anglais, rendre plusieurs productions écrites - en éthique (4 pages), en sciences infirmières (10 pages) - et présenter à la promotion, pendant une heure, un diaporama sur une situation clinique vécue en stage. Au second semestre, il y a un partiel de sémiologie, un écrit en santé publique et des travaux de groupe : réalisation d’un poster à partir d’un article scientifique, conception de création de service en fonction des professionnels présents, acquisition des approches épidémiologique et santé populationnelle... À la fin de l’année, on rédige un rapport de stage.

L’Inspir’Café. Tout en poursuivant son activité d’infirmière libérale ou salariée...

L.J. À la rentrée de septembre, on a estimé avec ma hiérarchie qu’il fallait une disponibilité de 600 heures pour le semestre. Je suis bien soutenue par ma direction qui m’a autorisée à disposer de deux journées entières par semaine dédiées à ma formation, mais j’ai tenu à conserver un temps d’activité dans le service pour ne pas décrocher, garder les liens avec le réseau et pouvoir parler de ce que je faisais à mes collègues.

L’Inspir’Café. Et le stage de première année, c’est vous qui le choisissez ?

L.J. Non, le lieu de stage est imposé : « il faut sortir de sa zone de confort ». Il se fait en milieu hospitalier pour les infirmières libérales et en milieu libéral (dans un environnement recherché de MSP) pour celles qui, comme moi, sont hospitalières. Nous étions deux pour lesquelles nos formateurs peinaient à trouver un stage et, finalement, j’ai pu le réaliser assez loin d’Angers, dans la Sarthe, au sein du Pôle Bercé Santé. Ce stage se fait en deux périodes d’un mois, en décembre et en mai-juin.

L’Inspir’Café. Ce premier stage, pour vous comme pour l’équipe qui vous a accueillie, a été vécu de façon très positive et riche d’enseignements pour la réussite du projet de la MSP. Il n’y avait pas à proprement parler d’application de modèle d’organisation : qu’est-ce qui, selon vous, a fait que ce stage a répondu à vos attentes et à l’objectif de formation fixé ?

L.J. Il a été d’abord pensé par Estelle PARROT, la coordinatrice de la MSP, et co-construit avec elle, en lien étroit avec Madée, l’infirmière référente, et Stéphane et Thomas, les deux médecins généralistes référents. La première semaine fut vraiment de la découverte puisque j’ai eu à rendre visite à tous les professionnels, en passant du temps sur leur lieu d’exercice : pharmacie, kiné, podologue, infirmières… Tout cela dans le cadre d’un exercice pluriprofessionnel coordonné, c’est-à-dire avec des professionnels habitués à échanger sur leur métier et sur leurs pratiques. J’ai eu la chance d’être en stage avec une infirmière Asalée. Les maladies chroniques et l’éducation thérapeutique du patient font partie de son quotidien, tout comme le relationnel infirmière/médecin. Tous mes référents ont su me consacrer du temps (avec un allongement de la durée de consultation pour les médecins, sans diminution de la charge de travail pour autant). Le lundi, j’étais avec Estelle, la coordinatrice, le mardi avec Madée, l’infirmière, le mercredi avec Stéphane et le jeudi avec Thomas, médecins généralistes.

L’Inspir’Café. Vous vous êtes sentie membre d’une équipe pluriprofessionnelle.

L.J. Notamment dans la deuxième partie du stage, quand il y a eu les consultations en autonomie de malades chroniques stabilisés (diabétiques, hypertendus…). Il y avait d’abord l’accueil et l’information réalisés par les secrétaires. Les patients concernés (et volontaires) étaient avertis d’un rendez-vous décalé : ils seraient d’abord vus par l’IPA, puis par leur généraliste. Je disposais d’un bureau (dans la salle d’urgence) pour ma consultation : entretien, examen clinique, renouvellement éventuel du traitement, prescription de bilan biologique, recueil des données dans le dossier médical... Ensuite, j’accompagnais le patient auprès de son médecin, en réalisant une forme de relais. Le malade chronique bénéficiait ainsi d’une consultation de 20 à 30 minutes et sur cette durée, le médecin intervenant au final et concluant l’examen, pouvait n’avoir à y consacrer que 10 minutes.

L’Inspir’Café. A propos du recueil de données et du système d’information, vous avez su, lors du premier mois, faire remarquer que les paramédicaux n’utilisaient pas le système d’information. Il faut oser le dire, mais aussi être entendue, ce qui fut le cas, puisque lors de votre retour au bout de 5 mois, les habitudes avaient changé.

L.J. Il y avait de bonnes raisons pour expliquer ce problème puisque pour assurer la télétransmission et être payés de leurs actes, les paramédicaux devaient d’abord faire une saisie sur leur logiciel métier. Pour le dossier patient partagé, il fallait refaire une deuxième saisie sur le logiciel dédié ! La journée du lundi que me consacrait Estelle a permis d’y réfléchir ensemble et ensuite, à l’initiative d’Estelle, cette réflexion a été partagée au sein de l’équipe avec un résultat concret. Quand je suis revenue fin mai en stage, le logiciel de gestion partagée des dossiers patients était utilisé par tous les professionnels. Mon idée n’était pas de dénoncer ou de critiquer des pratiques, mais de faire progresser l’équipe collectivement.

L’Inspir’Café. Pour conclure cet entretien, parce que c’est l’impression qu’on ressent, on peut reprendre la phrase de Madée, votre infirmière référente : « Lisa est une belle ambassadrice de cette nouvelle profession ! ».

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